Le VIH/Sida reste un problème majeur de santé publique à l’échelle mondiale. On estimait à 39,0 millions (33,1 à 45,7 millions) le nombre de personnes vivant avec le VIH à la fin de 2022. Au Sénégal, les efforts accomplis après plus trente (30) années de lutte contre le VIH ont abouti à une stabilisation de l’épidémie avec une prévalence faible de 0,3% au sein de la population générale à la même date (Conseil national de lutte contre le sida, 2022). Cependant, on constate des niveaux de prévalence plus élevés dans certains groupes dont les enfants.
Au Sénégal, près de 3.000 enfants seraient touchés par l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Un suivi des enfants séropositifs est fait au district sanitaire de Koumpentoum situé à une centaine de kilomètres à l’ouest de Tambacounda, la capitale régionale. Dans ce district, les enfants séropositifs âgés de 0-4 ans sont au nombre de 22 dont 15 garçons et 7 filles.
Selon Dr. Misséte Moussa Sambou, médecin et gestionnaire de données VIH du district sanitaire de Koumpentoum, « la cohorte de personnes séropositives a débuté en 2006. A ce jour, ces personnes sont au nombre de 925 patients inscrits sur la liste mis à jour. Certains sont décédés et sont environ 220. Les perdus de vue sont au nombre de 229 ; 44 patients ont été transférés ailleurs dans d’autres points de prestation ».
Dr. Sambou a souligné que « les patients régulièrement suivis au centre ou dans les différents postes de santé du département (c’est-à-dire qui prennent régulièrement leurs médicaments et qui sont régulièrement visibles) sont au nombre de 444 dont 22 enfants âgés de 0 à 14 ans (15 garçons et 7 filles). Pour ce qui concerne les adultes, on compte 301 femmes et 121 hommes ».
Comment ces enfants ont-ils été contaminés ?
« Chez certains, c’est la transmission mère-enfant. Cette transmission a eu lieu parce que des mères qui n’étaient pas dépistées, l’ont été au cours de la grossesse. Souvent, c’est au cours de l’accouchement ou pendant les trois derniers mois de grossesse qu’on découvre leur séropositivité. C’est dire qu’elles n’ont pas bénéficié de consultations prénatales (CPN). Il arrive également que des enfants lors de leur prise en charge présentent un tableau de malnutrition. Le dépistage au VIH est systématique pour un enfant malnutri. Et souvent, on constate que ces enfants sont séropositifs. Une fois ce constat fait, on essaie de faire un dépistage familial en s’intéressant à la mère et au père, etc. Ce dépistage familial permet de noter la séropositivité des parents surtout de la maman qui a contaminé son enfant », a expliqué le gestionnaire des données VIH du district sanitaire de Koumpentoum.
La prise en charge de ces enfants
A Koumpentoum, lorsque l’enfant dépisté est déclaré séropositif, « la prise en charge est immédiate et adéquate en fonction de son état nutritionnel. Et cette prise en charge consiste à lui donner des antirétroviraux (ARV). Mais dès la naissance de l’enfant (séropositif), des ARV lui sont administrés chaque jour en fonction de son poids. « C’est assez fastidieux de gérer un enfant séropositif car jusqu’à un poids de 20 kg, l’enfant doit prendre le médicament matin et soir. On doit également, à chaque rendez-vous, peser l’enfant. Ce qui est assez difficile », a précisé Dr. Sambou.
Selon le Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS), « le faible accès au dépistage chez les enfants serait lié à plusieurs facteurs dont la stigmatisation, le statut d’orphelin, le faible niveau socio-économique des familles ainsi que les facteurs programmatiques comme l’insuffisance d’intégration du dépistage systématique du VIH dans les services de prise en charge des enfants et le faible recours au dépistage familial ».
Pour lutter efficacement contre la propagation du VIH-Sida particulièrement chez les enfants, « la communication est au centre des stratégies de prévention destinées à influencer le comportement individuel et social ». L’abstinence sexuelle, la fidélité, le port du préservatif et la fidélité réciproque semblent être une batterie d’actes à poser pour renforcer la lutte et par ricochet, stopper la propagation. Cela met en évidence le rôle déterminant des médiatrices dans le processus.
Pour Mme Khady Dieng, médiatrice au centre de santé de Koumpentoum, il est urgent d’appuyer la mise en œuvre des programmes sur le VIH-Sida auprès des jeunes et des adolescents, de soutenir l’implication croissante de la société civile dans la riposte au sida, d’aider à réduire la stigmatisation et la discrimination envers les personnes vivant avec le VIH, etc. »
Elle soutient également qu’il faut « l’engagement des associations de personnes vivant avec le VIH dans la réponse aux pandémies comme le COVID ». Sur la prise en charge des enfants séropositifs, la médiatrice se dit satisfaite « car ces derniers sont très bien suivis et ne présentent aucune complication ».
Dr. Misséte Moussa Sambou, médecin et gestionnaire de données VIH du district sanitaire de Koumpentoum, a déclaré, en guise de conclusion, que « sur l’ensemble des naissances enregistrées l’année dernière (2023), seul un enfant est positif ». Il a également signalé que la prise en charge est décentralisée dans le district de Koumpentoum. Les patients peuvent se présenter à la structure sanitaire de leur choix pour bénéficier des soins.
Toutefois, a regretté Dr Sambou, la pauvreté de la population aggravée par l’enclavement de certains villages occasionnant l’inaccessibilité aux structures sanitaires, le manque de formation du personnel soignant et des acteurs communautaires, sont de réelles difficultés dans la prise en charge des enfants vivant avec le VIH en milieu rural.
Par Ansoumana SADIO
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